Lucas Bielli, psychanalyste à Montpellier et Guylène Dubois, psychanalyste à Sète animent la chronique hebdomadaire Radio divan, pour une psychanalyse populaire. Deux voix pour explorer un sujet psy.

Sia, Breathe me. (Redonne moi vie)

Le contexte de la chanson

Sia Furler, dite Sia, née le 18 décembre 1975 est uneauteure, réalisatrice australienne. Breathe me est extraite du 3ème album de Sia Colour the small one, sorti en 2004.

Retenons ces paroles : 

Help, I have done it again

Aide-moi, je l’ai encore fait

I have been here many times before

J’en arrive toujours au même point

Hurt, myself again today

Je me suis encore automutilé aujourd’hui

And the worst part is there’s no one else to blame

Et le pire c’est que personne d’autre n’est responsable

I am small, I’m needy

Je suis faible, j’ai besoin d’affection

Interpréter la citation

Cette chanson évoque les AM autrement dit les automutilations. Qui sont à différencier des scarifications. Ces altérations de la surface de la peau laissent au pire une cicatrice. Marquage sur la peau d’une intériorité en souffrance, cette blessure superficielle que l’adolescent s’inflige signe son impuissance d’une réalité qui lui échappe. La peau est atteinte, cette peau qui contient l’identité et fait le lien avec le rapport au monde extérieur. Si un événement extérieur déclenche une souffrance, un déséquilibre, toucher à sa peau permet de reprendre pied dans le réel, de ne pas sombrer. L’expression Être mal dans sa peau évoque bien cette nécessité de toucher à cette peau pour accéder à de nouvelles sensations ou pour mieux agir sur sa vie. David Le Breton résume ainsi cette situation : L’écorché vif s’écorche la peau dans une sorte d’homéopathie. Pour reprendre le contrôle, il cherche à se faire mal, mais pour avoir moins mal. Ce qui motive l’adolescent, c’est de trouver un apaisement intérieur grâce à cette entaille sur la peau. Retrouver la réalité, et ne pas se perdre dans sa fragilité, dans un tréfonds mélancolique. Le sang qui coule, la douleur de la lame sur la peau lui rappellent qu’il est vivant. Les scarifications sont des solutions de compromis destinées en principe à assurer une transition, un passage difficile de l’existence, mais elles peuvent échouer à contenir les lignes de fuite de la souffrance et aboutir à une surenchère, au suicide par-exemple. 

Ces scarifications arrivent à la suite d’une déchirure intime ou encore en raison d’un manque affectif dans l’enfance. L’individu reste avec ce manque, en suspens de soi.

Conclusion

Un adolescent qui se coupe la peau est loin de mettre sa vie en danger. Toutefois, en se faisant lui-même mal à la peau, il alerte son entourage en contrevenant aux normes de la société. Il transgresse. Cette pratique adolescente est une façon de forcer le passage pour exister. Auprès de ses parents, des adultes qui l’entourent, de ses copains. Ces coupures sont une façon personnelle de s’ajuster à une situation de souffrance. Ce sont des appels à vivre, mais aussi des appels à l’aide pour retrouver leur goût de vivre. 

Le Breton, David. « Scarifications adolescentes », Enfances & Psy, vol. no 32, no. 3, 2006, pp. 45-57.de David Le Breton

Radio divan, pour une psychanalyse populaire #68, les blessures corporelles

Guylène DUBOIS


Guylène Dubois est psychanalyste à Sète et anime deux émissions sur FM-PLUS : Radio divan, pour une psychanalyse populaire et l'Afrique dans tous ses états. Son site internet : http://surledivansetois.com


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