Joë BOUSQUET se veut donneur de courage et d’amour. Il voulait mettre dans son écriture Toute sa vie et toute sa personne, offrir par son exemple non une leçon de stoïcisme mais une leçon de vie, un creuset de forces vitales.

Ce combat de résistant de la vie, il le mène seul, mais avec l’écharpe des amitiés en soutien.

Cette blessure du 27 mai 1918 reçu à Vailly, sur le front de l’Aisne, cette blessure sans limites qui le laisse paralysé à vie, cette douleur devenue son corps même, il la transcendera par la poésie.

Entre la quatrième et la cinquième vertèbre, la mort s’est tapie, pas trop pressée, mais exigeante. Il sera allé vers la vérité de la vie par sa volonté et par son vertige. Lui qui se sera fiancé avec cette douleur, se sera marié avec la vie.

Intense et lucide il ne fuit pas le réel, il ose habiter au cœur de sa douleur, pour simplement dire : Il faut vivre, vivre, rien que vivre… Il entretient la vie avec la collaboration perpétuelle de la mort.

La peur de vivre est cachée dans l’amour. Et ainsi dissimulée, elle ne s’appelle plus la peur de vivre, mais bien l’amour de vie.

Joë BOUSQUET était donc là au milieu de sa chambre, il devenait songe, il guettait l’autre matin qui mettait en péril sa nuit blanche, il ne pleurait presque plus, et son ombre revenait vers lui, lourde de ce qu’elle avait vu au-dehors. Elle lui redisait tout à l’oreille. Les bruits et la lumière de la ville, les jupes des filles sous la tramontane, les parfums du temps.

Parfois il s’interrompait pour donner à manger à sa douleur qui était à ses pieds. Il la flattait, lui caressait la tête, elle qui ne voulait pas s’endormir.

Les médicaments au bout de la table, ceux de tous les jours, alchimie pathétique pour durer encore un peu jusqu’en 1950.

Lui il était devenu un songe. Une force vitale aussi qui transmue ses peurs, ses tourments en regards.

Le sommeil curieux donné par l’opium lui ouvre l’horreur de s’éveiller sans son corps, d’émerger de guingois dans une autre forme.

Il s’envolera dans une sorte de spiritualité poétique, et d’amour de l’amour, d’amour de la vie. Il est le poète de la sublimation. Lui l’homme au vol arrêté a survolé et la solitude et le temps.

Du brouillard de ses mots et de ses drogues sont montées les plus prégnantes métaphores. Le silence fut brodé au plus profond de ses draps.

Il écrivait :

Poète, ce que tu aimes, t’emportera le cœur, il ne resterait de toi que ta poussière, mais ta souffrance sera ta personne.

Ce don de sa douleur au monde par l’eucharistie des mots est troublante. Il est l’intercesseur du silence, le grand déchiffreur des mots écrits sur le front de la nuit. Lui l’immobile, parcourait toutes les étoiles.

Traces de lumière : Joë BOUSQUET, La connaissance de soi

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